Le système judiciaire haïtien est totalement dysfonctionnel. Les associations de magistrats prennent le relai des juges en grève depuis le 1er juin dernier. Ainsi, un arrêt de travail général est observé sur toute l’étendue du territoire national afin de contraindre le CSPJ et l’Exécutif à revoir la maigre part accordée au pouvoir judiciaire dans le budget récemment adopté.
Après les juges de paix en grève depuis le premier juin 2020, c’est au tour de l’Association nationale des magistrats haïtiens (ANAMAH), de l’Association professionnelle des magistrats haïtiens (APM) et du Réseau national des magistrats haïtiens de prendre une position commune : celle d’appeler à la suspension de toutes les activités judiciaires partout sur le territoire. Et, ce, jusqu’à nouvel ordre.
Selon le juge Jean Wilner Morin, le Conseil du pouvoir judiciaire (CSPJ) ne fait preuve d’aucune velléité à défendre l’intérêt du pouvoir judiciaire gardé sous coupe réglée de l’Exécutif. « Nous appelons à une grève généralisée au niveau de toutes les juridictions du pays, des tribunaux de paix, des tribunaux de premières instances, des cours d’appel, etc. Préalablement, nous avions écrit deux correspondances au CSPJ pour lui demander de créer un couloir de dialogue entre le pouvoir judiciaire et l’Exécutif afin de débattre des sujets concernant le fonctionnement de ce système. Il n’a jamais fait cas de notre sollicitation ; la preuve, le Gouvernement, au grand mépris des besoins du système judiciaire, n’octroie qu’un minable montant de 0.8 % du budget pour le fonctionnement de la justice », regrette le magistrat qui invite tous les maillons de la chaine à observer scrupuleusement le mot d’ordre de grève jusqu’à ce que le CSPJ et le pouvoir exécutif apportent les corrections nécessaires.
Le système judiciaire est dépassé. Les tribunaux tiennent séance dans des conditions déplorables. Outre la question du salaire, les équipements de travail, les locaux des tribunaux font beaucoup réfléchir. L’État central, bien bercé, ne prend pas en compte cette situation de grande vulnérabilité de ce pouvoir et de tout ce qui s’y attache, et ça fait la peine au président de l’ANAMAH. Pour répondre au fonctionnement normal et aux obligations du système judiciaire, ce montant est largement insuffisant », rappelle le juge.
Wando Saint-Villier a abondé dans le même sens. Cette décision est le résultat de l’insouciance manifestée par le CSPJ montrant qu’il n’est pas du tout sensible aux revendications des magistrats. Selon le responsable de l’APM, il est dorénavant temps que l’État jette un autre regard sur le pouvoir judiciaire. « Il faut que la justice fasse partie des priorités du Gouvernement », appelle le juge informant avoir adressé une correspondance au chef de l’État, le 22 mai dernier, pour exposer les problèmes qui ravagent le système judiciaire haïtien.
Selon lui, le montant mis à la disposition du pouvoir judiciaire n’est qu’une cause occasionnelle qui a permis aux magistrats de prendre une décision. Mais en ce qui a trait aux nombres de points noirs entachant la femme aux yeux bandés, le juge admet que la liste est longue. « Nous dénonçons aussi le problème du renouvellement des mandats des magistrats, l’état déplorable des tribunaux. En ce sens, nous invitons les juges à prendre en photo les locaux abritant les tribunaux de paix et de les partager avec le public à travers les réseaux sociaux. Si les dirigeants ont un minimum, ils comprendront et mettront au propre leur devoir » soutient le juge condamnant du coup le refus de l’État à tenir son mot par rapport à l’accord du 20 octobre 2017, ordonnant le transfert de la gestion de tout le personnel judiciaire au CSPJ.
Daniel Sévère
Jul 28, 2020 0
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