National -La mesure a été présentée mercredi par le ministre chilien de l’Intérieur, Andres Chadwick, qui en a profité pour annoncer que le premier vol à destination d’Haïti pourrait avoir lieu au cours de la dernière semaine de ce mois ou au début du mois de novembre. Le ministre Chadwick a ensuite déclaré que d’autres nationalités pourront aussi postuler pour ce plan.
Ce plan vise le retour des migrants haïtiens dans leur pays, seuls ou avec les membres de leur famille, en utilisant des avions de la force aérienne. Ceux qui ont un conjoint, un partenaire civil ou des enfants doivent quitter le Chili en tant que groupe familial, sans pouvoir opter pour une sortie individuelle.
Ce n’est pas le seul point controversé.
Pour accéder au programme, ils doivent signer une déclaration en présence d’un notaire demandant volontairement leur retour en Haïti et acceptant l’interdiction de retourner au Chili pour une période de neuf ans.
Très critiques envers ce projet, les associations de défense des migrants estiment qu’il s’agit en réalité d’une « expulsion déguisée » et considèrent que seul un petit nombre d’Haïtiens y participeront. Elles insistent sur le fait que la mesure prise par l’exécutif chilien est fondée sur des cas spécifiques aux Haïtiens et dénoncent une fixation sur la communauté haïtienne avant de la qualifier de raciste. Une représentante de l’Organisation socioculturelle des Haïtiens au Chili, citée par plusieurs médias du pays, accuse le programme d’être une déportation secrète.
Consulté par les médias de son pays, le ministre de l’Intérieur Andrés Chadwick soutient que la mesure est adoptée sur la base du « bon sens » déclarant que les Haïtiens bénéficient d’un avantage humanitaire permettant de renvoyer dans leur pays ceux qui le souhaitent et qui n’ont pas les moyens financiers. Par ailleurs, des députés exigent de l’exécutif qu’il établisse clairement les conditions dans lesquelles cette initiative sera mise en œuvre.
Malgré les critiques, la proposition a été présentée en août dernier à la suite de la demande de la communauté haïtienne qui, lors d’une session à la Chambre des députés, avait demandé l’aide de l’État du Chili pour pouvoir obtenir un retour. Immédiatement après, l’exécutif a offert de leur donner un coup de main à travers un plan leur permettant de retourner volontairement dans leur pays d’origine.
Une source qui a vécu au Chili ces dernières années, et qui veut garder l’anonymat, n’est pas tendre envers les auteurs de cette demande. « S’ils voulaient vraiment aider leurs compatriotes en difficulté, ils auraient fait une toute autre demande à la Chambre des députés […] Ils auraient demandé d’enlever quelques restrictions pour que les migrants puissent trouver du travail plus facilement», a-t-elle pesté, arguant que beaucoup d’Haïtiens veulent retourner en Haïti parce qu’ils n’ont pas de papiers, pas de travail.
Pour l’ingénieur industriel Marckenson Jean-Baptiste, étudiant en master en études internationales au Chili, les dirigeants haïtiens et chiliens devraient signer un protocole d’accord ou mettre sur pied une commission bilatérale pour aider ces Haïtiens en difficulté. Il suggère donc une amnistie pour que les sans-papiers haïtiens puissent trouver du travail. Au passage, il informe que l’ensemble des organisations haïtiennes a désavoué les auteurs de cette demande de retour volontaire.
Véritable héros haïtien au Chili après avoir sauvé, l’année dernière, la vie d’une Chilienne tombant du neuvième étage d’un immeuble en la recevant dans ses bras, Richard Joseph dit être parfaitement en accord avec ceux ayant fait la demande du plan de retour aux autorités chiliennes. Toute en fustigeant les organisations haïtiennes qui diabolisent le plan, il estime que ces Haïtiens qui veulent volontairement retourner rehaussent à leur manière l’image d’Haïti.
Entre 2016 et 2017, selon les calculs des autorités chiliennes,165 000 Haïtiens sont arrivés au Chili. La plupart d’entre eux ont emprunté des vols réguliers reliant Port-au-Prince à Santiago, par l’intermédiaire de l’ancienne compagnie aérienne Latin American Wings (LAW). Pour venir au Chili, des centaines ont dû payer leur billet à une agence qui les avait emmenés, en leur promettant d’arriver dans un pays où ils auraient un toit et un accès au travail. Ce qui, dans de nombreux cas, n’a pas été respecté.
Si pour beaucoup de compatriotes, le rêve chilien semble tourner court avec ce plan de retour volontaire, les principaux indicateurs économiques du Chili sont au vert. En guise d’exemple, le nombre de millionnaires continue de croître au Chili de manière significative. Selon le rapport 2018 sur la richesse mondiale de l’Institut de recherche Crédit Suisse, le nombre de personnes au Chili possédant une fortune de plus d’un million de dollars américains est en augmentation de 17,5% par rapport à l’année précédente. Selon le rapport de l’entité suisse, le patrimoine moyen des adultes au Chili atteint 62 220 USD, bien au-dessus de la moyenne de 18 050 USD en Amérique latine et légèrement en dessous de 63 100 USD par rapport à la moyenne mondiale.